Un nouveau rayonnement pour la cathédrale de Bordeaux
Interview de Jean-Baptiste Dupont – Novembre 2023
Depuis 11 ans, Jean-Baptiste DUPONT fait résonner les orgues de Saint-André. Au sein de l’association Cathedra, il porte le projet de rénovation des grandes orgues, mené avec le soutien de la Fondation Clément Fayat.
Jean-Baptiste Dupont a plusieurs vies ! Il partage ses semaines entre la cathédrale Saint-André, où il est organiste titulaire, la basilique Saint-Sernin de Toulouse dotée également d’orgues mythiques, et une carrière de concertiste qui l’amène aux quatre coins du monde. Dans cet agenda bien chargé, il a trouvé le temps de fonder l’association Cathedra avec Alexis Dufaure, maître de chapelle de la cathédrale bordelaise. Créée en 2014, cette association a pour objectif de développer et faire rayonner la musique sacrée au sein de Saint-André. « La cathédrale de Bordeaux accueille aujourd’hui 30 concerts d’orgue par an. Notre souhait est d’organiser davantage de manifestations culturelles, et de replacer Bordeaux à un niveau d’excellence pour ses festivals d’orgues avec des répertoires et approches inédits pour attirer de nouveaux publics et des jeunes talents. Mais l’état actuel de l’orgue de tribune ne nous le permet pas. »
30 tonnes de matériel à évacuer et une innovation
Saint-André est en effet dotée de deux orgues : le plus modeste, l’orgue de chœur, comporte environ 1200 tuyaux, avec 18 registres de jeu. Récemment restauré, il possède une belle palette sonore. Ce n’est pas le cas de l’orgue de tribune et de ses 6000 tuyaux. Réalisé dans les années 70, l’instrument a mal vieilli et souffre de graves lacunes. « Il n’est pas à la hauteur des possibilités acoustiques de la cathédrale », reconnait Jean-Baptiste, « et les études montrent qu’il vaut mieux construire un orgue neuf, avec des diapasons plus puissants, correspondant davantage à l’espace de l’église. »
Le chantier titanesque est conduit par le ministère de la Culture. Il comprend plusieurs phases, avec d’une part la restauration du buffet, classé monument historique, puis le démontage de l’orgue de tribune -soit environ 20 tonnes de matériel à évacuer dont une partie sera revalorisée. Le facteur d’orgues retenu proposera probablement une refonte du métal pour fabriquer les nouveaux tuyaux. Et enfin, en dernière partie, la construction d’un instrument contemporain doté d’une innovation : une console déportée.
L’organiste ne sera plus l’homme invisible
La Fondation Clément Fayat a décidé de soutenir la réalisation de cette console déportée, en tant que mécène privé. « Ce procédé est déjà répandu dans les salles de concert, comme à Radio France ou à la Philharmonie de Paris. C’est un apport important sur les plans visuels, techniques et musicaux, qui démultiplie les possibilités d’interprétation pour l’organiste. Avec une console déportée, nous pouvons jouer des deux orgues en simultané, en opposition ou en dialogue », se réjouit Jean-Baptiste. Et surtout, le musicien peut quitter les tribunes et se placer s’il le souhaite au centre de l’église, au plus près du public. « La nouvelle console déportée sera fixée sur une plateforme mobile, nous pourrons la positionner partout dans la cathédrale, en étant plus proches par exemple de l’orchestre ou des chœurs. »
Un métier d’excellence : facteur d’orgues
C’est un métier d’art et d’artisanat, comme les affectionnait tout particulièrement Monsieur Clément Fayat. La reconstruction totale des grandes orgues de Saint-André est estimée à 3 millions d’euros. Avant la fin de l’année 2023, le concours va être lancé auprès des plus grands ateliers de facteurs d’orgues. Jean-Baptiste compte environ 1 an pour clôturer la consultation. « Nous aurons le résultat de l’appel d’offres courant septembre 2024, pour un démarrage des travaux vers décembre 2024. Des chantiers comme celui-ci sont très rares, ils nécessitent un plateau technique conséquent. Il faudra certainement que les facteurs d’orgues français et européens se regroupent. »
À quoi ressembleront les futures grandes orgues ? « Nous ne le savons pas car l’idée est que les facteurs qui vont concourir aient une certaine latitude créatrice, avec la contrainte de réaliser un instrument parfaitement adapté à l’acoustique de la cathédrale. »
De la Grèce antique à la fibre optique
L’orgue est un instrument fascinant, particulièrement complexe, comme l’explique Jean-Baptiste : « Il comporte plusieurs claviers, un pédalier et tous les registres instrumentaux représentés par des dizaines de boutons. Cela procure des milliers de possibilités sonores, on a un orchestre entier sous les doigts, et le répertoire le plus riche de tous les instruments existants ! » Avec passion, Jean-Baptiste compare l’orgue à un géant, « capable de douceur ou de faire trembler les murs ». L’ancêtre de cet instrument a vu le jour 300 ans av. J.-C., il était utilisé pendant les jeux du cirque de la Grèce antique. Son principe actuel a été défini au XIVe siècle, puis a connu de multiples évolutions. Certains modèles contemporains sont même équipés de fibre optique pour assurer certaines transmissions ! Une alliance patrimoine & innovation qui correspond bien aux valeurs de la Fondation Clément Fayat…